Partager son mot de passe pour des services comme Netflix, une messagerie ou des applications de géolocalisation est devenu courant chez les couples.
D’après une étude de Malwarebytes intitulée « What’s Mine is Yours : How Couples Share an All-Access Pass to their Digital Lives« , 85 % des personnes en couple partagent l’accès à leurs comptes personnels. Cependant, si ce geste est souvent perçu comme une preuve de confiance, il comporte des risques parfois sous-estimés.
En partageant des accès à des comptes sensibles, comme les emails ou les services bancaires, les couples s’exposent à des problèmes de sécurité. Après une rupture, ces accès peuvent être mal utilisés. Alors, ce partage renforce-t-il réellement la confiance, ou ouvre-t-il la porte à des abus numériques ?
Partager son mot de passe : une preuve de confiance ?
Partager son mot de passe et ses identifiants entre partenaires ne se limite plus seulement aux comptes de streaming comme Netflix ou Spotify. Aujourd’hui, beaucoup de couples échangent aussi leurs accès aux réseaux sociaux, emails, et même aux applications de messagerie, ce qui va bien au-delà du simple divertissement.
En effet, pour deux tiers des personnes interrogées, le partage de ces accès est perçu comme un facteur important pour bâtir la confiance au sein du couple. Cette tendance est encore plus marquée chez la Génération Z, où 95 % des jeunes couples estiment que partager ces informations renforce leur relation.
Mais au-delà des services classiques, certains partages vont beaucoup plus loin. L’étude montre que 71 % des couples vont jusqu’à échanger l’accès à des applications de géolocalisation, comme celles utilisées pour suivre les trajets en voiture ou les activités physiques. L’intérêt est pour un partenaire de connaître l’emplacement de l’autre en temps réel.
Pourtant, si la confiance est souvent citée comme la première raison de ce partage, plusieurs questions se posent sur l’accord réel des partenaires. Sont-ils toujours à l’aise avec cette pratique ou la ressentent-ils parfois comme une obligation ?
Les pressions sociales dans les relations numériques
Selon l’étude de Malwarebyte, le partage numérique n’est pas toujours entièrement volontaire. 43 % des partenaires disent avoir ressenti une pression pour partager leurs mots de passe, une pression qui touche surtout les plus jeunes.
En effet, 55 % des membres de la Génération Z admettent s’être sentis obligés de donner accès à leurs comptes ou à leur localisation. Ce qui est souvent vu comme un signe de confiance devient parfois une sorte d’obligation.
Cette pression peut prendre différentes formes. Parfois, elle se traduit par une simple remarque du type : « Si tu me fais vraiment confiance, pourquoi tu ne me donnes pas ton mot de passe ? ».
D’autres fois, elle est beaucoup plus directe, avec des ultimatums clairs. Selon l’étude, 7 % des personnes interrogées ont été menacées de rupture ou de se faire ignorer si elles refusaient de partager leurs accès numériques.
Dans ces situations, ne pas partager ses comptes ou sa localisation est perçu comme un signe de méfiance, voire de tromperie.
La pression sociale semble donc jouer un rôle important dans ces décisions, au-delà de la confiance réelle. À ce titre, 18 % des personnes regrettent d’avoir partagé l’accès à leurs comptes personnels, et ce chiffre monte à 30 % lorsqu’il s’agit du partage de la géolocalisation.
À noter que les hommes sont plus enclins à regretter ces partages : 30 % d’entre eux le reconnaissent, contre 13 % des femmes.
Des risques de sécurité après une rupture
Lors d’une séparation, les comptes partagés peuvent rapidement devenir des outils de contrôle ou de harcèlement. Selon l’étude, 29 % des personnes interrogées affirment avoir été victimes d’abus numériques après une rupture.
Les jeunes sont particulièrement touchés par ces abus. Environ 45 % des membres de la Génération Z et 41 % des Millennials ont signalé des abus numériques après une rupture.
Voici quelques exemples concrets issus de l’étude :
- Utilisation des comptes pour traquer : des ex se sont connectés à des applications de localisation, initialement partagées par confiance, pour suivre les déplacements.
- Accès aux comptes de réseaux sociaux : certains ont utilisé les comptes de réseaux sociaux de leur ex pour publier ou observer discrètement.
- Accès aux emails et messages privés : l’accès aux emails, messages textes ou DMs est utilisé pour espionner ou interférer dans la vie privée de l’autre.
- Usurpation d’identité numérique : des ex se sont fait passer pour leurs anciens partenaires sur les réseaux sociaux.
- Surveillance via des dispositifs intelligents : des appareils connectés ont été exploités pour surveiller à distance, qu’il s’agisse d’applications domestiques ou de gadgets connectés.
Concernant les services de géolocalisation, 50 % des utilisateurs ne se rendent pas compte que leurs partenaires peuvent continuer à suivre leurs mouvements via ces applications, même après une séparation.
Si les paramètres ne sont pas désactivés, l’accès à la localisation demeure inchangé, permettant à un ex-partenaire de continuer à suivre les déplacements en temps réel.
Comment protéger sa vie numérique en couple ?
Il existe plusieurs moyens simples et efficaces pour se protéger tout en maintenant une relation saine en ligne. Voici quelques conseils pratiques à suivre :
Utilisez des mots de passe uniques
Plutôt que d’utiliser le même mot de passe pour plusieurs comptes, créez des mots de passe uniques pour chaque service. Cela limite les risques en cas de partage, surtout pour les comptes sensibles comme les emails ou les services bancaires.
Les comptes de streaming peuvent être partagés, mais pour tout ce qui concerne des données plus personnelles, il vaut mieux garder un contrôle total.
Surveillez vos appareils pour détecter tout logiciel espion
Dans certains cas, surtout après des relations abusives, des logiciels espions ou des applications de surveillance peuvent avoir été installés à votre insu. Une vérification complète de vos appareils (téléphones, ordinateurs, etc.) permet de vous assurer qu’aucune application ne permet de suivre vos activités sans votre accord.
Activez l’authentification à deux facteurs
Cette méthode de sécurité ajoute une étape supplémentaire lors de la connexion à un compte. Même si quelqu’un connaît votre mot de passe, il ne pourra pas accéder à vos comptes sans un code envoyé par SMS ou généré par une application dédiée.
Discutez des limites du partage numérique
Avoir une conversation ouverte avec votre partenaire sur ce que vous êtes prêts à partager et ce que vous préférez garder privé est important. Cela permet de poser des bases claires et d’éviter des situations ambiguës.
Si la relation se termine, la première chose à faire est de changer tous vos mots de passe et codes PIN. Un gestionnaire de mots de passe peut vous aider à créer de nouveaux mots de passe forts et uniques pour chaque compte, tout en vous facilitant la gestion.
Désactivez les services de géolocalisation partagés
Si vous avez partagé votre localisation via des applications comme celles de suivi de véhicules ou de livraison, pensez à révoquer ces accès immédiatement après la rupture. Ces applications peuvent rester actives et permettre à un ex de suivre vos déplacements, parfois sans que vous vous en rendiez compte.
Pour finir
Partager son mot de passe en couple peut sembler être une preuve de confiance, mais cela comporte aussi des risques non négligeables.
Les dynamiques de pouvoir et la pression sociale rendent ce geste plus complexe qu’il n’y paraît, en particulier lorsque la relation évolue ou se termine.
Pour éviter que la confiance ne se transforme en surveillance, il est essentiel de poser des limites claires dès le départ. La protection de sa vie privée ne doit pas être vue comme un manque de confiance, mais comme un moyen de garantir à chacun un espace personnel, même au sein d’une relation.
La clé réside dans un équilibre entre ouverture et sécurité, avec des discussions honnêtes sur ce que l’on est prêt à partager – et ce que l’on préfère garder privé.